LA SANTÉ DES ENFANTS NE SERA PAS ÉPARGNÉE PAR LA PANDÉMIE DE COVID-19

Published 2021-06-08 19:43
Photo: COVID-19 health promotion activity with children in a school in Al-Ramadin, a Palestinian village located southwest of Hebron (West Bank)

© MSF, 2020

Les enfants ont été plus gravement touchés par l'impact indirect de la pandémie que par l'infection virale elle-même. L’augmentation de la pauvreté, les décrochages scolaires, l’insécurité alimentaire, la violence, la pression accrue sur les systèmes de santé ainsi que l’accès difficile aux services de santé ont eu un impact considérable sur la santé des enfants pendant la pandémie de COVID-19. Les contextes aux ressources limitées n’ont pas été épargné par ces dommages collatéraux. L'augmentation de la mortalité infantile reste une préoccupation majeure et nous craignons que la distribution des centaines de millions de doses de vaccin contre le COVID-19 à la fin de cette année dans ces pays à faible revenu est également un impact négatif sur les soins pédiatriques. En effet, le grand nombre d’employés du secteur de la santé qui sera mobilisé pour administrer ces doses de vaccins risque d’affaiblir encore plus les services dédiés à la santé pédiatrique. 

Liliana Palacios, qui répond à nos questions pour cet article est infirmière et titulaire d'un master en santé publique et gestion de structures. Elle travaille actuellement en tant que Conseillère Médicale, elle travaille pour MSF en Espagne et est chargée des dossiers concernant la RDC, la RCA et le Cameroun. Elle fait également partie de l'équipe qui a organisé la session « Dommages collatéraux du COVID-19 sur la santé des enfants » pour les Journées pédiatriques de 2021. Liliana réfléchit aux résultats de la session et considère la conférence comme un espace ouvert pour partager et apprendre.

Pouvez-vous expliquer quel était l’objectif de la session « Dommages collatéraux du COVID-19 sur la santé des enfants » ?

L’objectif était de mettre en évidence l'impact des effets collatéraux de la pandémie sur la santé et la mortalité pédiatriques au sein des structures MSF. Nous voulions partager des expériences sur la façon dont les équipes de terrain qui travaillent en pédiatrie ont fait face à la situation et ont surmonté (ou non) les défis liés à cette situation sanitaire. Pour cela, nous avons mené une enquête auprès du personnel de MSF sur le terrain et enregistré des témoignages vidéo. Nous avons également invité des collègues travaillant pour MSF ou pour d’autres organisations qui ont partagé leurs expériences.

Quels sont les services et projets pédiatriques qui ont été plus sévèrement touchés par la pandémie de COVID-19 ?

Dès le début de la pandémie, nous avons remarqué que les programmes liés à la vaccination et à la nutrition étaient fortement impactés. En parallèle, d'autres services non-médicaux destinés aux enfants ont aussi été touchés : l'accès à l'éducation, la protection contre la violence domestique, etc.

Le personnel médical a dû être relocalisé pour faire face aux besoins provoqués par la pandémie. Dans ce type de contexte humanitaire, le personnel médical est déjà limité, en délocalisant une partie du personnel, le risque de ne plus pouvoir répondre aux besoins de base des projets pédiatriques augmente.

La pandémie a également impacté les « espaces physiques » : les services qui n’étaient pas considérés comme prioritaires (comme les services pédiatriques) ont été sacrifiés face au besoin grandissant du nombre de lits et d’unités d’isolement.

Photo: An MSF staff member vaccinates a child during a mobile clinic at the health centre in Sebeya, a town close to the Eritrean border in the northern Ethiopian region of Tigray.

© Igor Barbero/MSF, 2021

Quelles sont les principales recommandations formulées au cours de cette session pour éviter une augmentation de la morbidité et de la mortalité infantiles ?

Maintenir les services (préventifs et curatifs) pédiatriques est la première recommandation. Une partie des ressources humaines, matérielles et stratégiques qui existent habituellement pour ces programmes préventifs a été réduite et nous en verrons les conséquences dans le futur proche. Nous pourrions voir apparaître des épidémies à cause des enfants qui n'ont pas été vaccinés contre la rubéole ou la rougeole par exemple. En réduisant ou en fermant les services de consultations, le nombre de diagnostics (par exemple de paludisme grave) risque fortement d’augmenter.

Deuxièmement, développer de nouvelles approches et mettre en œuvre des outils pratiques nécessaires sur le terrain (par exemple, le « MUAC famille » (Circonférence du milieu et du haut du bras), les possibilités d'apprentissage numérique, l'engagement communautaire, etc.)

Finalement, nous devons défendre les droits des enfants pendant cette pandémie. Ils ne sont pas ceux qui meurent le plus du COVID-19 mais ils sont certainement les plus impactés.

Indépendamment de l'impact négatif que la pandémie de COVID-19 a et aura sur les enfants, il y a-t-il eu des impacts positifs sur les projets pédiatriques sur le terrain ?

Les activités de soins de santé communautaires, qui sont devenues un élément clé de la lutte contre le COVID-19, sont très efficaces et doivent être intégrées dans les stratégies opérationnelles de MSF.

Cette situation nous a rappelé que nous devons être flexibles et innovants pour fournir un soutien technique approprié au terrain.

Photo: MSF team in Anzoátegui (Venezuela) carries out health sessions directly in the communities of vulnerable populations. In the COVID-19 context, team goes door-to-door to carry out malaria screening and treatment, mosquito net donations, de-worming, vaccinations, and prevention and health promotion activities.

© MSF

Pouvez-vous nous donner un exemple concret de bonne pratique sur le terrain ou d'une stratégie d'intervention réussie qui a été présentée lors des Journées pédiatriques MSF ? Quels sont les apprentissages que nous pouvons retenir et comment pourrions-nous mettre cette stratégie en œuvre dans d’autres projets ?

Le projet « Family MUAC » au White Nile (Soudan) a été efficace dans différents contextes et constitue également un moyen de faire participer la communauté de manière plus active. Le programme MUAC forme les mères et les autres personnes qui s'occupent d'enfants à identifier les signes précoces de malnutrition à l'aide de bracelets en papier avec un code couleur permettant de mesurer la circonférence de la partie supérieure du brasPour mettre en œuvre le modèle au Soudan, nous nous sommes basés sur l'expérience MSF au Congo en 2019. Nous avons mis en place des activités au Congo en raison des difficultés que les populations locales peuvent rencontrer au moment de se rendre aux centres de santé (longues distances à partir, insécurité due aux conflits). L'objectif était de permettre une détection précoce de la malnutrition et de réduire les admissions pour malnutrition sévère. MSF n’a pas inventé de type de programmes comme le « Family MUAC », d'autres organisations humanitaires comme ALIMA, UNICEF ou Action contre la faim mettent également en place des programmes similaires.

Dans la situation de pandémie actuelle, ce type de projet fonctionne très bien. Il permet de réduire les contacts entre le personnel de santé et les patients. En confiant cette tâche aux mères (ou à d'autres membres de la famille), les cas de malnutrition sont détectés plus tôt, ce qui réduit le nombre d'hospitalisations et permet aux familles d’être responsabilisées en s’occupant de la santé de leurs enfants. Je pense que cela montre très bien de quelle façon nos programmes sur le terrain peuvent être adaptés pour continuer à assurer un suivi médical dans les contextes où les soins pédiatriques sont très importants.

Photo: Once community volunteers have been trained, they go door-to-door to meet the mothers individually and hold awareness-raising and training sessions on how to use the MUAC (Mid-Upper Arm Circumference) tape. They also give nutritional guidance. A grandmother in Niger looking at the MUAC tape a community volunteer just gave her.

© MSF

En tant que professionnel de la santé, pourquoi pensez-vous qu'il est important de participer à des conférences telles que les Journées pédiatriques MSF ?

Parce que c'est une opportunité pour partager des expériences, apprendre et débattre avec d'autres personnes, ce qui nous aide à améliorer nos activités. Ecouter d'autres collègues m’inspire et m'aide à m'améliorer dans mon travail. Le format en ligne a fait tomber de nombreuses barrières et a permis à un plus large public de participer.

 

L'équipe des Journées pédiatriques remercie Liliana Palacios pour sa contribution à cet article.