Les journées pédiatriques msf: partager nos expériences pour améliorer les soins pédiatriques
Engagé avec Médecins Sans Frontières depuis 2011, le Dr. Didier Mukeba Tshialala a effectué de nombreuses missions en Afrique centrale et de l’Ouest. Il occupe aujourd'hui le poste de coordinateur médical au Niger. Dans cet entretien, il revient sur sa participation aux Journées pédiatriques de MSF qui ont eu lieu les 15 et 16 décembre 2017 à Dakar. Un événement qu’il considère comme une plateforme essentielle pour favoriser les échanges d’expériences entre acteurs humanitaires travaillant avec des patients de moins de 15 ans, qui plus est dans des contextes à ressources limitées.
Selon toi, quels sont les grands défis qui restent à surmonter pour améliorer la prise en charge des maladies infantiles en Afrique de l’Ouest, et au Niger plus particulièrement ?
Outre la malnutrition, les trois principales causes de morbidité infantile que l’on rencontre sur nos projets au Niger sont le paludisme, les infections respiratoires et les diarrhées. Heureusement, un certain nombre des solutions à mettre en place pour y faire face sont déjà connues. Si nous améliorons l’accès à l’eau potable pour les populations d’un côté et que nous développons des stratégies efficaces de mise en œuvre de la chimio-prophylaxie du paludisme saisonnier entre août et novembre de l’autre, nous devrions déjà avoir un impact positif sur deux causes majeures de la morbidité infantile au Niger. Par ailleurs, en accroissant la couverture vaccinale de routine chez les 0-11 mois, nous améliorerons significativement l’état de santé des enfants au Niger.
En parallèle, nous devons continuer à assurer la formation permanente des équipes médicales - médecins et infirmiers - pour qu’elles soient en mesure d’offrir la meilleure prise en charge possible aux enfants, malgré des ressources parfois limitées.
En tant que professionnel du monde médical, en quoi les Journées pédiatriques constituent un événement auquel il est important de participer pour toi ?
Ces journées constituent un cadre idéal pour échanger nos expériences entre acteurs humanitaires travaillant dans des réalités de terrain et des projets similaires. Ces échanges nous permettent d’enrichir nos pratiques pour nous aider à surmonter les nombreux défis (organisationnels et culturels) que nous rencontrons chacun de notre côté, d’autant que nous ne sommes pas tous des spécialistes en pédiatrie, mais que nous rencontrons tous à différents niveaux des patients de moins de 15 ans.
Cet événement permet également de mettre en lumière certaines idées à creuser dans le cadre de la recherche opérationnelle. Celle-ci représente une vraie valeur ajoutée pour nos projets en nous aidant à améliorer la prise en charge de nos bénéficiaires à travers des stratégies simples mais innovantes que les autorités sanitaires des pays dans lesquels nous opérons peuvent facilement se réapproprier.
Peux-tu donner un exemple concret de bonne pratique ou de stratégie d’intervention que tu as retiré de ces Journées pédiatriques et qui pourra être utile si elle est mise en œuvre au Niger ?
Une des choses principales que je retiens est la nécessité de renforcer la collaboration et l’intégration entre la communauté (à travers les accoucheuses traditionnelles), la maternité et le service de néonatologie pour diminuer significativement le taux de mortalité - généralement très élevé - chez les nouveau-nés ainsi que le nombre de décès maternel pendant les accouchements. C’est un sujet qui me tient particulièrement à cœur car c’est malheureusement une des réalités à laquelle nous sommes régulièrement confrontés dans les services de maternité et néonatologie que nous appuyons à Madaoua et à Diffa.
Au-delà de la prise en charge médicale, je suis convaincu qu’il faut aussi investir dans la promotion de la santé, en étroite collaboration avec les chefs communautaires et les matrones, véritables leaders d’opinions au sein de leurs communautés. Ce volet préventif est essentiel pour sensibiliser les communautés auprès desquelles nous intervenons, sur la nécessité de consulter à temps, mais aussi pour responsabiliser les mères quant à l’importance du suivi de la grossesse pour l’état de santé futur de leurs enfants et leur donner les capacités d’assurer elles-mêmes la détection précoce des premiers symptômes lorsque leurs enfants sont malades.
Depuis le début de l’année, nous avons d’ailleurs commencé à travailler avec les accoucheuses traditionnelles sur nos projets à Madaoua et à Diffa. Nous les sensibilisons sur l’importance de référer les femmes de la communauté vers les structures médicales afin de diminuer le nombre d’accouchements à domicile, qui présentent de grands risques pour la mère et l’enfant. Nous les formons également sur les signes de danger pendant la grossesse pour éviter les complications dues à un recours tardif aux soins. En à peine quelques mois, nous voyons déjà une progression. Cela montre bien l’importance de développer des approches communautaires pour renforcer l’accès aux soins !