L'IMPORTANCE DES INFIRMIER(E)S DANS LA LUTTE CONTRE LA RESISTANCE AUX ANTIBIOTIQUES
Chaque année, 200 000 enfants meurent d'une septicémie causée par des bactéries résistantes. Il s'agit d'une menace sérieuse pour la santé publique mondiale. Les infirmièr(e)s sont souvent les premièr(e)s à identifier les signes de septicémie et les épidémies potentielles, écrit Lindsay Bryson, infirmière en pédiatrie, dans cet article publié dans le magazine suédois Vårdfokus.
© Photo by Médecins Sans Frontières.
« Cela fait 23 ans que je travaille en tant qu’infirmière, principalement dans des contextes humanitaires, dans des pays tels que l'Éthiopie, Haïti et la République centrafricaine. Pour moi, c'est le métier parfait – j’ai l'occasion d’apprendre au quotidien, tant au niveau du développement de mes connaissances médicales qu’au niveau de la qualité des soins que j’offre aux patients. Lorsque j'ai commencé à travailler pour Médecins Sans Frontières (MSF) en 2003, mon principal intérêt était de comprendre cette nouvelle facette de la santé publique et des soins d'urgence dispensés dans les contextes humanitaires. Au fil des années, j'ai travaillé en tant qu'infirmière, Référente Médicale de Projet, et Coordinatrice Médicale et j'ai été confrontée à des défis auxquels je ne m'attendais pas.
On ignore souvent que les infirmièr(e)s représentent la majorité des professionnels de santé dans le monde. Ils/elles jouent un rôle important pour garantir la qualité des soins dispensés dans les programmes humanitaires dans des contextes de conflits armés, de catastrophes naturelles ou de crises nutritionnelles. Les infirmièr(e)s veillent à ce que des cliniques soient fonctionnelles dans des endroits reculés et difficiles d'accès, coordonnent des campagnes de vaccination de masse, s'engagent auprès des communautés pour comprendre au mieux leurs besoins, travaillent à la promotion de la santé et élaborent des guides cliniques pour accompagner la mise en place des soins infirmiers.
Dans les crises humanitaires, les enfants sont presque toujours les plus durement touchés et représentent 60 % des patients de MSF dans le monde. Les enfants sont par nature vulnérables et sont souvent les premières victimes lorsqu'il y a une pénurie de nourriture et/ou d'eau. Les jeunes enfants peuvent perdre du poids rapidement et la malnutrition est beaucoup plus dangereuse pour eux que pour les adultes. Par conséquent, un accès rapide aux soins est extrêmement important. MSF a créé les Journées pédiatriques en 2015. Cet évènement est une opportunité pour le personnel MSF ainsi pour les acteurs de la santé global de présenter des résultats de recherches et de partager de nouvelles façons d'améliorer la qualité des soins pédiatriques dispensés dans les contextes humanitaires.
L'Unité d'Innovation Suédoise de MSF basée à Stockholm, où je travaille actuellement, a organisé un Hack-a-thon au moment des Journées pédiatriques de 2019. Nous avons réuni des experts pour trouver de nouvelles solutions - parfois inattendues - aux défis auxquels nous sommes confrontés dans nos projets à travers le monde.
Cette année, l'un des principaux sujets présentés lors des Journées pédiatriques était la résistance aux antibiotiques chez les enfants. Les bactéries résistantes constituent une menace sérieuse pour la santé publique mondiale. Selon les estimations, plus de 200 000 nouveau-nés meurent chaque année d'une septicémie causée par des bactéries résistantes. Lorsqu'il n'est plus possible d'utiliser les antibiotiques de base, des alternatives plus coûteuses sont nécessaires. Les traitements ainsi que les séjours hospitaliers sont souvent plus longs, ce qui provoque un risque accru pour les patients de souffrir d'infections nosocomiales.
Partout dans le monde, les professionnels de santé de première ligne doivent être formés pour répondre aux épidémies de bactéries résistantes, mais aussi pour savoir comment prévenir et gérer la résistance aux antibiotiques. Les infirmièr(e)s jouent un rôle crucial dans la lutte contre la résistance aux antibiotiques. Dans de nombreux pays où MSF travaille, il s'agit de s'assurer que les prescriptions sont adaptées, que les antibiotiques prescrits sont correctement dosés et que toutes les mesures de contrôle des infections appropriées soient en place.
Les infirmièr(e)s sont souvent les premier(e)s à voir les signes d'apparition de bactéries résistantes dans un service. Ils/elles veillent également à une bonne hygiène des mains, au respect des méthodes de travail lors de la dispense des soins aux patients, s'assurent que les surfaces sont nettoyées et désinfectées et que les précautions adéquates sont prises pour réduire la propagation des bactéries résistantes.
Notre force réside dans notre travail d'équipe : quand les infirmièr(e)s, les médecins, les microbiologistes, les pharmaciens, les épidémiologistes, les experts en eau et assainissement et les logisticiens travaillent ensemble pour relever les défis systématiques de la résistance antibiotique dans les structures MSF. J'ai beaucoup appris au cours de mes 23 années en tant qu'infirmière – et beaucoup de choses ont changé. Le rôle central de l'infirmièr(e) fait l'objet d'une attention croissante. De plus en plus souvent, je vois des infirmièr(e)s dans des rôles de direction, qui font pression pour améliorer la qualité des soins en accordant une place centrale au patient. Je me réjouis de cette évolution et j'ai espoir quant aux possibilités qu'ont les infirmièr(e)s de faire face aux défis actuels et futures de la santé mondiale. »
Lindsay Bryson, infirmière pédiatrique et référente médicale à l'Unité d'Innovation Suédoise de MSF.
Cet article a été initialement publié dans Vårdfokus le 30 juin 2021.